La force d’avancer dans un monde obscur

Nous venons de célébrer la chandeleur, ultime fête du temps de noël., qui multiplie les métaphores lumineuses, et à la prophétie d’Isaïe citée par l’évangile – le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière – fait magnifiquement écho la prière d’ouverture de l’Epiphanie : éclaire nos cœurs de ta lumière souveraine, nous trouverons alors la force d’avancer dans un monde obscur pour atteindre le pays du jour sans déclin.  Que notre « monde obscur » ait plus que jamais besoin de la « lumière souveraine », c’est une évidence qui s’impose à nous avec toujours plus de force, à chaque nouvelle crise que connaît notre civilisation en déclin.

 

En Terre Sainte, on lit sur les murs de la basilique de Nazareth cette inscription tirée d’une hymne de l’abbé de Cluny saint Odilon :

« Il s’est levé, l’astre glorieux, qui éclaire tous les siècles, par lequel nos temps et nos jours reçoivent la lumière de la vie ». Mais sans parler de la beauté poétique de ces paroles Nous sommes frappés par leur caractère de vérité intemporelle : oui, il y a vingt siècles, est apparue, à Bethléem, la lumière qui éclaire toute l’histoire des hommes, de son commencement à son terme ; la lumière qui éclaire encore notre aujourd’hui, dies et tempora, nos temps et nos jours.

 

Notre temps a besoin de cette lumière. Ce temps, marqué si douloureusement par la violence aveugle et les pires résurgences de la sauvagerie des hommes. Ce temps, qui est celui de l’oubli de Dieu, du consumérisme, de l’exaltation démesurée de la richesse, des loisirs futiles, du refus de la contrainte et de tout ce qui peut élever l’homme un peu au-dessus de lui-même. Ce temps qui est celui de l’orgueil de l’homme qui s’est illusionné de ses capacités techniques et découvre avec angoisse qu’il a joué les apprentis sorciers. Ce temps et nos jours – nos pauvres jours, à chacun de nous – nous qui faisons souvent si cruellement l’expérience que nous ne sommes pas à l’abri du mal, de la maladie, du malheur ; nous qui constatons plus souvent notre impuissance que notre capacité à changer les choses, notre angoisse plutôt que notre confiance devant l’avenir, nos interrogations plutôt que nos certitudes sur le sens même de nos vies. Qui dira que nous n’avons pas besoin, plus que jamais, de la lumière ?

 

Nous aimerions tant que le plus grand nombre s’ouvre à la lumière en souhaitant que cette lumière les guide, comme les mages, jusqu’aux pieds du Christ.  Mais nous avons besoin nous-mêmes d’accueillir cette lumière, et trouver la force « d’avancer dans un monde obscur ». Ainsi, comme la liturgie nous y invite, modelons notre attitude spirituelle sur celle des mages, ces « sages venus de l’Orient », the wise men of the East, que Chesterton faisait parler ainsi ((G. K.Chesterton,, G.K. Chesterton, ses idées, son caractère)) :

 

Oh ! Nous avons appris à scruter et à creuser

Des énigmes tortueuses, depuis notre jeunesse ;

Nous connaissons tout le labyrinthe de la science.

Nous sommes les trois sages du temps jadis,

 Et nous savons tout, hormis la vérité.

 

Marchons humblement – il a grêlé et neigé –

Parlons bas et gardons allumés nos lanternes,

Car la route est si simple que nous pourrions la perdre.

D’après une homélie de l’abbé B. Martin,

 Recteur de la cathédrale de st Etienne